transmission de langues minoritaires

La transmission de langues minoritaires est soumise à de nombreuses influences, y compris externes à la famille. Puisque les familles sont en interactions avec d’autres personnes, celles-ci impactent facilement l’utilisation de la langue minoritaire par ses membres. Les parents et l’enfant revoient souvent leur stratégie linguistique en prenant en considération l’attitude d’autres personnes. Si cette attitude est positive, la famille et sa langue minoritaire en bénéficie. Si ce n’est pas le cas, elle risque de mettre en péril l’apprentissage de la seconde langue chez l’enfant dont les effets peuvent se ressentir pendant longtemps.

Le rôle des enseignants et des éducateurs

Le personnel de crèches, de maternelles, ensuite scolaire et périscolaire, joue un rôle important dans la démarche parentale de transmission de langues minoritaires. Ce rôle peut se manifester de plusieurs manières, aussi bien par un soutien que par un découragement au partage de langues familiales.

Premièrement, les enseignants (puériculteurs…)  peuvent contribuer à valoriser ou dévaloriser la langue minoritaire aux yeux de l’enfant. Le seul fait de l’ignorer, par exemple, risque de confirmer pour l’enfant la supériorité de sa langue majoritaire. Deuxièmement, il arrive fréquemment qu’ils recommandent aux parents de privilégier la langue majoritaire dans les contacts avec l’enfant. Ils expliquent ceci par souci de ne pas perturber son développement ou entraver son apprentissage scolaire. Malheureusement ces personnes n’ont souvent pas de connaissances suffisantes en matière de bilinguisme. Si les parents suivent leurs conseils, ils risquent de réduire l’appropriation de la langue minoritaire par l’enfant. Et augmenter ses difficultés à l’utiliser activement un jour.

L’impact des pédiatres et des orthophonistes

De la même manière, en fonction de leurs connaissances, les pédiatres et les orthophonistes peuvent démentir les mythes sur le bilinguisme ou les renforcer dans la conscience des parents. Ils peuvent également encourager les parents à remettre l’apprentissage de la seconde langue à plus tard pour favoriser les progrès dans la langue locale.  Ceci est particulièrement fréquent quand l’enfant rencontre des problèmes de développement général (sans rapport avec la langue).

Et la famille et les amis ?

Une pression supplémentaire provient des personnes proches, toujours soucieuses du bien-être de l’enfant et de la famille. Il arrive que les grands-parents, des amis ou même des voisins conseillent de privilégier, surtout au début, la langue majoritaire au détriment de la seconde langue de l’enfant. Ils peuvent évoquer des cas d’enfants qui, en raison de la présence de deux langues dans la famille… (à imaginer la suite 😉  ). La situation est particulièrement difficile quand les conseils viennent des grands-parents inquiets que l’enfant ne maîtrisera suffisamment la langue locale. A cause de cela, ils auraient dû mal à communiquer avec lui. (La question peut cependant être retournée : et les grands-parents parlant la langue minoritaire ? Et leur contacts de l’enfant ?)

La transmission de langues minoritaires : des bénéfices évidents pour l’enfant

Toutes ces relations jouent un rôle considérable sur deux niveaux. D’un côté, elles influencent le comportement des parents vis-à-vis de la transmission de la langue minoritaire. De l’autre côté, elles façonnent l’attitude et le comportement de l’enfant lui-même qui « absorbe » les avis et les émotions des personnes autour de lui. Les parents qui suivent ces conseils « négatifs » car ils font confiance aux spécialistes (ou d’autres personnes bien intentionnées), veulent bien faire. Sauf qu’il s’agit des spécialistes dans leur domaine d’expertise et non pas des linguistes. Les linguistes sont unanimes (les études le confirment): la transmission de langues minoritaires ne perturbe pas le développement de l’enfant et n’entrave pas l’apprentissage de sa langue majoritaire. Bien au contraire, grâce au transfert, l’enfant bénéficie des compétences acquises dans une langue, également dans l’autre. Et tous les autres avantages du bilinguisme… je n’ai pas besoin de les rappeler, n’est-ce pas ? (Les voici : les bénéfices intellectuels et émotionnels.)

Source : Annick De Houwer „Why do so many children who hear two languages speak just a single language?” Zeitschrift für Interkulturellen Fremdsprachenunterricht 25: 1, 7–26, 2020

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