Dans le sens commun, une personne bilingue n’a d’accent dans aucune des langues qu’elle utilise. Les linguistes cependant ne sont pas d’accord avec cette conviction. Selon eux, le bilinguisme renvoie à la maîtrise de la langue (le contenu) et la facilité de la manier et non pas à la façon de prononcer les mots (la forme). Depuis quelques temps, ils ne cessent de souligner que la capacité de communiquer dans une langue n’a pas de lien avec l’accent que la personne peut avoir. Parmi eux, François Grosjean („Parler plusieurs langues”) qui demande de ne plus évoquer l’accent quand on parle du bilinguisme / multilinguisme.
Avec ou sans accent?
La question fréquente que nous nous posons est de savoir pourquoi certaines personnes gardent leur accent et d’autres pas. Y a-t-il un âge après lequel nous ne pouvons plus se débarasser de notre accent maternel? Il n’existe pas une réponse claire et catégorique à cette question. Les avis sont partagés. Les plus prudents optent pour l’âge de 6 ans : jusqu’à cet âge l’enfant ne gardera pas trace d’une autre langue dans sa nouvelle langue. Il y a des opinions qu’il s’agit plutôt de 12 ans ou même de 15 ans.
Il existe plusieurs facteurs qui détermine la présence ou pas de l’accent chez l’enfant (et l’adulte).
- Le dégré de similitude entre deux langues. Il est plus facile de ne pas garder son accent si nos deux langues sont l’italien et l’espagnol que si c’est le serbe et le japonais.
- La manière dont l’enfant a appris la langue: l’école, l’immersion… Et bien évidemment l’accent des personnes qui lui ont cette langue transmises.
- L’attitude personnelle de chacun. Souhaitons-nous garder notre accent d’origine pour se distinguer et marquer notre « originalité »? Ou préférons-nous le cacher, nous en débarasser pour ressembler à notre entourage? C’est souvent une question inconsciente, mais qui joue un rôle important dans notre façon de prononcer les mots.
- L’oreille musicale et la sensibilité aux sons. Encore une caracéristique très indivduelle, indépendante de notre volonté, mais très importante par rapport à l’accent ou son absence.
Avantage ou défaut?
Les personnes qui parlent avec un accent, entendent souvent qu’il est charmant. Différent, unique, absolument à garder. Avec un accent, il est difficile de ne pas se distinguer. Pour ceux qui aiment attirer l’attention, c’est certainement un avantage. Mais pour les autres… Un autre défaut consiste à ne pas être toujours pris au sérieux. Même si c’est le contenu qui devrait primer sur la forme, l’accent fait que le regard de l’autre peut s’avérer condescendant. Cela peut être moins visible dans le contexte familial que dans des situations professionnelles. Par exemple pendant des négociations, des discussions, des argumentations… Ensuite, l’accent est particulièrement visible quand la personne est submergée par des émotions fortes: difficile de maîtriser à la fois ce que l’on ressent et sa façon de parler.
Il ne faut pas oublier que l’accent n’est pas un choix, c’est souvent le résultat d’un passé chaotique ou d’un courage important qui ne sont pas donnés à tout le monde. Un grand nombre de personnes très talenteuses parlait (et parle toujours) avec un accent. Malgré cet accent, elles ont fait des choses formidables, remarquables ou impactantes. J’aime bien évoquer les personnages d’origine polonaise car ils me sont plus proches: Maria Skłodowiska-Curie, Frédéric Chopin, Joseph Conrad… Mais il y en a d’autres: Albert Einstein, Napoleon Bonaparte, Jane Birkin, Charlotte Rampling…
En temps normal (en dehors de l’épidemie), nous nous déplaçons de plus en plus, il est possible de changer de pays sans trop de difficultés (pour les Européens, en tout cas). Nous croisons de nombreux accents, chez nous et ailleurs. Au point qu’ils pourront devenir un jour une réalité : beaucoup plus riche que celle d’aujourd’hui. Les accents sont comme les manières de marcher, de s’habiller, de se coiffer… une caractéristique qui ne sera plus jugée, juste admise. Personne n’aura honte d’avoir un accent car personne n’y prêtera plus attention.
Si vous souhaitez partager avec nous votre réflexion, je vous invite à le faire dans les commentaires de l’article.
Je suis d’accord avec l’article. Mais dans le monde du travail, l’accent est souvent considéré un handicap.
Oui, tout à fait, c’est également une source de discrimination à l’embouche. Si on a un accent, pour obtenir un poste, il faut souvent prouver d’avoir des compétences plus élevées que les autres candidats, comme pour compenser un handicap…
Merci pour cet article! C’est vrai qu’il est temps qu’on commence à percevoir l’accent étranger différemment. Sans jugement.
Moi j’aurais préféré ne pas avoir d’accent car au final ça me cause plus de préjudice ( travail) que de bien être ( ça serait charmant).
Et je suis vite vue comme une étrangère aussi bien ici en France que dans mon pays natal. Partout dans le monde, je suis une étrangère.