manière de penser
Quel est l’impact de la langue sur notre manière de penser ? Et comment la manière de penser influence la façon dont nous utilisons la langue ? Comment se nourrissent-elles mutuellement ? Après avoir parlé de l’impact de la langue sur la personnalité, je vous propose une analyse sur les interdépendances entre la langue et la manière de penser. J’inscrirai cette réflexion dans le contexte de l’éducation bilingue en insistant sur l’apprentissage par l’enfant de sa première langue.

L’importance de la langue dans la découverte du monde

Comment un jeune enfant apprend-t-il une langue ? Il l’apprend grâce à des personnes qui essaient de rentrer en contact avec lui. Puisqu’il a besoin de répondre aux signaux reçus, l’enfant s’approprie cette langue. Non seulement elle lui permet de créer un lien avec d’autres personnes, mais aussi de découvrir le monde autour de lui. Ainsi, la langue et la manière de l’utiliser contribuent au développement cognitif de l’enfant.

(Le développement cognitif est la capacité de percevoir, mémoriser et transformer les informations provenant de l’entourage.) C’est un processus qui fonctionne dans les deux sens : notre langue reflète notre manière de penser car l’homme utilise sa langue pour exprimer ses pensées. Bref, la langue influence la façon de penser et la façon de penser a un impact sur la langue.

Un outil pour découvrir le monde

La langue nous fournit des moyens pour classer les nouvelles informations, les phénomènes et les concepts, ainsi que pour structurer nos pensées. Elle nous permet d’analyser ce que nous recevons de l’extérieur grâce à nos sens. Nous sommes capables de comprendre, décrire et exprimer les relations entre différents éléments. En quelque sorte, la langue rend visible ces liens : nous en devenons conscients par le fait de les nommer.

La langue maternelle dans la manière de penser

Chaque personne a une langue maternelle, sa première langue qui l’a apprise et qui lui a servi dans ses premiers contacts avec l’entourage. En transmettant une langue à leur enfant, les parents lui fournissent un ensemble d’outils pour appréhender le monde. L’enfant l’utilise pour classer les éléments qu’il découvre, par exemple : il va manger quand il aura faim. Sans cela, la compréhension des règles est également possible, mais moins profonde. Il est donc très important de parler beaucoup à l’enfant depuis le début. Le parent décrit ce qu’il est en train de faire, ce qu’il montre, ce que l’enfant peut ressentir. Plus important que le vocabulaire sont les structures grammaticales qui expriment les relations entre les phénomènes (le lien de causalité), présentent des situations possibles (si je faisais ça…), permettent de s’opposer (je ne suis pas d’accord car…) et fournissent d’autres bases nécessaires au raisonnement abstrait (intellectuel et logique).  

Les parents observent souvent leurs enfants nommer ce qu’ils sont en train de faire. Ils s’approprient ces activités en les classant et analysant leur contenu. Ils imitent leurs propres parents qui eux-mêmes expliquaient leurs actions, par exemple, de soin, quand les enfants étaient petits (ex. et maintenant je vais te laver les cheveux…).

Le rôle de l’enfance dans le développement intellectuel

Les développements intellectuel et linguistique dépendent l’un de l’autre. La manière de penser est déterminée par le niveau de langue chez la personne et le développement de la langue est influencé par sa façon de réfléchir. Puisque le langage se développe dans l’enfance, cela implique que les mécanismes linguistiques acquis à cette période ont un impact considérable sur les processus de réflexion dans l’avenir. Autrement dit, la maîtrise du langage dans l’enfance, y compris la capacité d’une réflexion structurée, détermine le développement intellectuel futur de la personne. (Il est tout à fait possible de perfectionner sa maîtrise de langage plus tard, mais cela nécessite un travail important.)

Privilégier une langue bien maîtrisée

Pour faire un lien avec l’éducation bilingue : l’enfant a besoin de ressources linguistiques suffisantes pour développer ses capacités cognitives. Selon les linguistes, il peut s’agir aussi bien de la langue majoritaire que minoritaire. Il est seulement important que la langue la plus présente dans la vie de l’enfant soit parlée à un niveau „correcte”. Ensuite, grâce au transfert l’enfant utilisera ses connaissances cognitives acquises dans cette langue, dans l’autre langue. Ainsi, recommande-t-on aux parents de communiquer avec les enfants dans la langue qu’ils connaissent le mieux. Cela leur permettra de transmettre à l’enfant un ensemble de structures linguistiques bien développé.

Parlons à nos enfants dans la langue qui nous est la plus familière, dans laquelle nous sommes capables de mener des conversations, défendre notre point de vue, argumenter… Ne choisissons pas une langue qui nous est étrangère, en espérant l’apprendre en même temps que l’enfant. La langue a un impact sur la manière de penser et ce depuis le tout début.

PS Petite parenthèse concernant la langue maternelle que nous n’avons pas utilisée au quotidien depuis longtemps et que nous souhaitons transmettre à nos enfants. Elle reste notre langue maternelle. Il existe des méthodes pour la faire « revenir » dans notre esprit. Ce n’est pas une nouvelle langue, elle a juste besoin d’un temps d’adaptation pour devenir de nouveau fonctionnelle.

Sources utilisées (entre autres) : 

P.E. Bryant, A. M. Colman, Developmental psychology, Addison-Wesley Longman Ltd, 1995

E. R. Hilgard, Introduction to psychology,

Si vous souhaitez partager avec nous votre réflexion, je vous invite à le faire dans les commentaires de l’article.