Cycle « Histoires de familles bilingues »
Je voudrais partager avec vous une des expériences les plus surprenantes que j’ai eues en accompagnant les parents bilingues. Il s’agit d’une maman qui adhéra à mon programme presque à contre cœur, avec une méfiance et sans y croire. Et finalement… ce fut une réussite.
Quand la langue s’en va
Agata d’origine polonaise vivait avec son mari britannique et leurs deux enfants : Adrian (6 ans) et Alexandra (2 ans) en Angleterre*. Malgré sa motivation et l’envie de transmettre à ses enfants sa langue maternelle, avec le temps elle se mit à leur parler de plus en plus en anglais. Cela arriva tout naturellement, sans qu’elle s’en rendît vraiment compte. Au début, Agata craignait exclure son mari de ses échanges avec Adrian, ensuite elle n’était plus sûre dans quelle mesure Adrian comprenait en polonais. Finalement, l’anglais devint la langue de toute la famille. Et après, il était trop difficile de tout modifier. Les habitudes s’installèrent.
Agata me contacta, car elle ne savait pas comment s’en sortir. Même si ses enfants ne rejetaient pas sa langue maternelle, elle se sentait désarmée en voyant leurs yeux grands ouverts dès qu’elle essayait de s’adresser à eux en polonais. (Agata s’était promis de persévérer avec Alexandra, mais elle ne réussit pas à s’y tenir et abandonna avant que sa fille ne se mît à parler.)
Un début qui laisse perplexe
Notre premier contact fut plutôt étrange. Agata souhaitait bénéficier de mon aide pas parce qu’elle croyait que je pouvais l’aider, mais parce qu’elle n’avait pas d’autres options. C’était difficile comme situation : comment aider quelqu’un qui n’y croit pas ? Je ne voulais pas refuser notre collaboration car Agata avait besoin de soutien. Je lui demandai de me promettre deux choses avant de commencer : suivre mes propositions quelle que soit sa conviction quant à leur efficacité et de s’y impliquer au maximum. Il n’y a que de cette manière que nous pouvions nous diriger vers la réussite.
Vers la réussite
O combien je fus surprise quand, deux mois plus tard, je reçus un mail enthousiaste de la part d’Agata qui était prête pour notre première session. Elle avait des progrès à m’annoncer. Agata me présenta toutes les activités qu’elle put réaliser avec Adrian et surtout le plaisir qu’elle en tira. Et ce plaisir fut réciproque, d’autant plus que depuis l’arrivée d’Alexandra, Agata n’avait pas beaucoup d’opportunités de jouer avec son fils. Les progrès furent aussi importants. Adrian, ayant apprécié le temps passé avec sa maman, avait envie de lui faire plaisir, probablement pour bénéficier d’autres moments de complicité à deux. Il se mit à répéter des mots, ensuite des phrases courtes en polonais, laisser Agata lui parler (utilisant des mots simples) même s’il ne comprenait pas tout. Progressivement, rien qu’en écoutant, il comprenait de plus en plus. Pas tout, bien évidemment, mais il avait envie d’apprendre. Il lui fallut encore plusieurs mois et beaucoup de temps passé avec Agata (et après sa maman qui leur rendit une longue visite), mais le plus difficile fut derrière eux.
Tous les trois mois, Agata recevait de ma part de nouvelles activités. Nous les adaptions aux besoins d’Adrian, il avait ses préférences et Agata les suivait pour qu’il gardât sa motivation. En même temps, elle put modifier ses comportements linguistiques également vis-à-vis d’Alexandra, avec l’aide d’Adrian. En tant que grand frère, il souhaitait avoir son rôle dans la transmission du polonais à sa sœur.
Une proximité affective
Si, au début de notre collaboration, quelqu’un m’avait dit qu’Agata deviendrait un exemple dans la mise en place de mon accompagnement, je n’aurais certainement pas cru. Et pourtant, notre collaboration devint une belle réussite. Agata avait juste besoin d’être prise par la main et les premiers résultats changèrent complétement son attitude.
Notre dernière rencontre date d’il y a trois mois. Adrian se débrouille de mieux en mieux en polonais et les vacances que la famille compte passer en Pologne l’aideront de façon significative sans aucun doute. Il y a quelques temps Agata me fit part d’une réflexion intéressante à laquelle elle ne s’attendait pas. Elle avait l’impression d’être plus proche de son fils qu’auparavant sans savoir l’expliquer plus précisément. Il s’agissait certainement d’une proximité affective que le partage de la langue renforça et enrichit.
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Quelle que soit votre situation, des progrès sont toujours possibles. Si l’enfant ne connait pas votre langue, on peut la lui apprendre. S’il ne la parle pas, on peut l’inciter à s’y lancer. On peut aussi lever les freins s’il refuse de la parler. Rien n’est perdu. Parlons-en. Je vous accompagnerai vers la réussite comme j’ai pu le faire pour Agata et d’autres parents. Envoyez-moi un message anna (at) bilingual-kid.com et je vous expliquerai en quoi consiste le soutien que j’apporte aux parents multilingues.
* Les prénoms et la langue ont été changés et la photo ne présente pas Agata et Adrian.
Si vous souhaitez partager avec nous votre réflexion, je vous invite à le faire dans les commentaires de l’article.