Bilinguisme consécutif

Aujourd’hui, je vous voudrais vous parler du bilinguisme consécutif que l’on mentionne relativement peu. On considère souvent le phénomène du bilinguisme précoce tellement singulier et extraordinaire que presque toute l’attention lui est consacrée. Ainsi, il est communément admis que transmettre sa langue à l’enfant le plus tôt est le mieux, car plus facile. Il suffit de parler afin que l’enfant comprenne la langue et puisse l’utiliser dès qu’il atteint l’âge de parler. C’est pour cela que cette approche est largement recommandée : il est certainement plus simple aussi bien pour les parents que pour les enfants. Cependant, il y a un autre chemin pour rendre l’enfant bilingue, un chemin différent, mais, selon certaines études, plus rapide.

Types de bilinguisme

Selon le moment de son développement, on distingue généralement trois types de bilinguisme. (Il existe aussi d’autres manières de considérer le bilinguisme, selon des catégories différentes, mais ceci n’est pas le sujet de l’article, ex. le bilinguisme additif et soustractif.)

  • Le bilinguisme précoce simultané – acquis avant 3-4 ans de l’enfant ;
  • Le bilinguisme précoce consécutif – acquis avant la puberté ;
  • Le bilinguisme tardif – acquis après la puberté de l’enfant.

On utilise également une distinction plus universitaire (cf Annick De Houwer) avec : 

  • acquisition simultanée de deux langues premières : 2L1 ;
  • acquisition précoce d’une deuxième langue (avant l’âge de 6 ans, mais pas en même temps que la langue 1) : 2L2 ; 

Comparaisons entre les types d’aquisition de langues

Les recherches menées par Annick De Houwer sur les enfants bilingues ayant appris leur seconde langue à des âges différents fournit des éléments intéressants sur le processus d’acquisition de langues. Il s’avère qu’un enfant, en contact avec sa seconde langue depuis sa petite enfance (2L1), à l’âge de dix ans, atteint le même niveau de cette langue que l’enfant ayant commencé à l’apprendre (dans un environnement bilingue) à l’âge de six ans (2L2). Ainsi, l’enfant qui a commencé plus tard, acquière le même niveau plus rapidement : en quatre ans au lieu de dix. Pourquoi ? Il apprend plus rapidement parce qu’il utilise les mécanismes acquis lors de l’apprentissage de sa première langue. (Il s’agit du phénomène de transfert.)

Les avantages et les inconvénients

Chaque stratégie a ses avantages et ses inconvénients. L’approche visant le bilinguisme précoce simultané semble plus simple à mettre en place. En parlant à l’enfant dans sa langue maternelle depuis la naissance, le parent l’habitue à sa compréhension naturelle car elle coïncide avec la période pendant laquelle l’enfant s’approprie le langage. Ensuite, selon la présence d’une autre langue, mais aussi le contexte et la personnalité de l’enfant, l’enfant peut l’utiliser activement dès qu’il commence à parler. Ce n’est pas toujours le cas, certains enfants comprennent leur seconde langue, mais choisissent de parler la langue avec laquelle ils ont le plus de contacts. Il s’agit alors du bilinguisme réceptif.

Quant à l’apprentissage par l’enfant de sa seconde langue plus tard, il peut être plus rapide, mais également demande plus d’efforts de la part de l’enfant et du parent. L’enfant ayant déjà acquis une langue, a besoin de mobiliser ses ressources intellectuelles pour en apprendre une autre. En même temps, il est plus conscient du processus d’apprentissage, ce qui peut l’inciter davantage à utiliser cette langue activement dans le futur.

Le bilinguisme consécutif : une opportunité pour la famille

Je travaille avec plusieurs mamans souhaitant transmettre à leurs enfants leur langue maternelle à un âge plus avancé de l’enfant (6-9 ans). C’est toujours une opportunité extraordinaire non seulement de faire découvrir une langue à son enfant (ce qui est déjà une formidable aventure), mais également de se lancer ensemble dans un projet d’envergure pouvant approfondir la relation parent-enfant. Je pense que, pour le réussir, il est important de le voir de cette façon : comme un défi à deux (ou à trois) qui peut transformer, de façon positive et durable, le lien familial : l’enrichir, l’élargir et lui donner de nouvelles perspectives.

Source : Annick De Houwer „Bilingual development in childhood”, Cambridge Elements, 2021

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