approches problématiques

Je vous propose une réflexion sur les difficultés de l’éducation bilingue. Au début j’ai pensé parler des erreurs, mais je me suis rapidement reprise. Non, il ne s’agit pas des erreurs, plutôt des choix ou des stratégies, définis en fonction du contexte. J’ai décidé donc de parler des approches problématiques qui sont souvent soulevées par les parents que j’accompagne.

Nous savons bien que chacun fait au mieux, selon ses possibilités. Chaque situation est différente et il s’agit de de proposer des solutions en phase avec le souhait de la personne. Je pars du principe que ce souhait est de transmettre à l’enfant la langue maternelle du parent, le point de départ de nos aventures multilingues.

Remettre l’apprentissage à plus tard

Il est possible d’apprendre une nouvelle langue à tout âge. Il est également possible de devenir bilingue en étant adulte. Cependant, si on souhaite pouvoir partager notre langue et notre culture avec nos enfants, il est inutile de remettre leur découverte à plus tard. 

Pourquoi ? A la fois par souci de facilité et de pratique (l’impossibilité de partager quelque chose auquel l’autre personne n’a pas d’accès). Il est plus facile de transmettre sa langue à l’enfant si on commence dès qu’il est né. Il suffit de lui parler afin qu’il la comprenne. Quand l’enfant atteint un âge plus avancé et il utilise déjà sa première langue, il sera certainement nécessaire de jongler entre les deux. (A moins de lui imposer une immersion linguistique totale : radicale et efficace.)

Cela implique deux difficultés supplémentaires : quand et comment. « Quand » parce que finalement il n’y a pas de date butoir : rien ne presse en termes de délais, même si le temps passe. Alors aujourd’hui ? Demain ? Pendant les vacances ? Plus tard, c’est-à-dire jamais ? Ensuite « comment » : il n’est pas toujours facile de changer ses habitudes. Habitués à parler à l’enfant dans sa langue majoritaire, il nous faut beaucoup d’autodiscipline pour introduire notre langue maternelle dans les échanges avec lui.

Manquer de cohérence dans l’utilisation de la langue minoritaire

De nombreux parents confirment avoir du mal à utiliser exclusivement la langue minoritaire en contacts avec leurs enfants. Selon la méthode OPOL (one person, one language), conseillée par les linguistes, chaque parent parle à l’enfant dans sa/une langue. Ceci garantit une certaine exposition à la langue et crée des routines linguistiques pour l’enfant (et pour le parent). L’objectif est d’introduire des réflexes : la langue est associée au parent, ce qui devrait faciliter son utilisation intuitive chez l’enfant. Ainsi, le changement de langue par le parent selon la situation (ex. en présence d’autres personnes) donne à l’enfant l’exemple et l’incite à choisir la facilité : parler au parent dans sa langue majoritaire.

Adopter une attitude fataliste

La troisième question, trop souvent négligée, est l’état d’esprit fataliste de certains parents. Il arrive fréquemment qu’ils adoptent le point de vue suivant : puisque la langue majoritaire dominera la langue minoritaire de l’enfant, il est vain d’y résister. Cette attitude implique deux conséquences. La première, c’est un effort minimal pour transmettre sa langue maternelle, ce qui, en fin de compte, revient à donner raison au constat de départ : « mon enfant ne parle pas ma langue ». La seconde, c’est l’impact de notre conviction sur le comportement de l’enfant. Les enfants, souvent perçus comme des éponges, font ce qu’ils pensent que les parents attendent d’eux. « Puisque la maman / le papa ne croit pas en la réussite, elle / il a certainement raison, je ne vais pas y arriver ». C’est un cercle vicieux, dommageable pour toute la famille.

Trois approches problématiques : il y a toujours des solutions

Heureusement, il y a toujours des solutions quelle que soit la situation. Il est de même pour les trois approches problématiques que je viens de citer. Tout d’abord, il n’est jamais trop tard pour transmettre / apprendre sa langue à l’enfant, il faut juste décider de le faire. Maintenant, tout de suite, sans remettre à demain. (Si vous avez besoin d’aide, je vous propose mon soutien que j’apporte à des familles multilingues qui souhaitent partager leurs langues avec leurs enfants plus grands.) Ensuite, l’utilisation de la langue minoritaire en contacts avec l’enfant est une question d’autodiscipline, à travailler. Les habitudes ne changent pas du jour au lendemain, mais elles changent si on décide qu’elles doivent changer. Pour finir : nos convictions et notre manière de penser ne dépendent que de nous. Tout est dans nos têtes, nous sommes donc capables d’évoluer et de changer nos attitudes à condition de le vouloir. Ainsi, les approches problématiques deviennent des opportunités. C’est une belle perspective, n’est-ce pas ?

Si vous souhaitez partager avec nous votre réflexion, je vous invite à le faire dans les commentaires de l’article.