langues familiales

Avez-vous déjà réfléchi à l’impact que peuvent avoir les langues familiales sur la cohésion sociale ? Il y a quelques temps, j’ai lu des travaux captivants de Marie Rose Moro, une psychiatre française spécialisée en enfance. En analysant l’intégration des populations immigrées, elle met en lumière l’importance de valoriser la culture familiale. (Y compris la langue, pour assurer l’équilibre personnel et renforcer le tissu social.) Cette réflexion me semble plus que jamais pertinente, tant au niveau individuel que collectif, puisqu’elle démontre avec éloquence le lien entre les deux. Du langage utilisé à la maison aux résultats scolaires, jusqu’à l’équilibre émotionnel et à la paix sociale.

Une mauvaise interprétation…

En 1979, le professeur Jim Cummins a proposé l’idée de « seuil minimal de compétence linguistique ». Cette théorie suggère qu’il est essentiel d’atteindre un certain niveau de maîtrise dans une langue pour éviter tout impact négatif sur le développement cognitif lors de l’apprentissage du bilinguisme. Autrement dit, les compétences dans la première langue doivent être suffisamment solides pour que l’apprentissage d’une autre langue ait des effets positifs sur le développement intellectuel (qui inclut les capacités à percevoir, mémoriser et traiter les informations de l’environnement).

Toutefois, cette idée a souvent été simplifiée à l’excès, conduisant à la croyance erronée que l’on ne devrait pas apprendre une seconde langue avant de maîtriser parfaitement la première. (Or, Cummins n’a jamais exclu l’apprentissage simultané de plusieurs langues. Il insistait simplement sur l’importance d’une base solide dans la langue première. Cela a mené à l’idée de la « façade linguistique ».) Cette interprétation erronée s’est répandue, notamment en France. A cause d’elle certains enseignants décourageaient les parents d’origine étrangère de parler leur langue maternelle à la maison, craignant que cela n’entrave l’apprentissage de la langue majoritaire.

L’abandon des langues familiales dans les foyers

De nombreuses familles ont ainsi cessé de parler leur langue d’origine, convaincues que cela aiderait leurs enfants à mieux s’intégrer et à réussir à l’école. Un phénomène s’est alors produit : une génération entière, souvent la deuxième génération d’immigrés, a grandi sans connaître la langue de ses parents, se limitant à la langue dominante. Cette stratégie a-t-elle facilité leur intégration ? Loin de là, mais j’y reviendrai. Le vrai problème a résidé dans le fait que ces jeunes ont eu des difficultés à s’identifier à la langue majoritaire, perdant ainsi le lien avec leurs racines et leur culture familiale.

Résultats scolaires et rôle de la langue familiale

Des études réalisées dans différents pays, parmi des enfants issus de l’immigration, sont unanimes. Les élèves ayant de bons résultats scolaires appartiennent généralement à deux catégories. Soit ils sont véritablement bilingues, maîtrisant à un haut niveau aussi bien la langue majoritaire que la langue d’origine. Soit ils entretiennent une relation positive avec la culture et la langue de leurs parents, qu’ils considèrent avec fierté comme une richesse. Ces deux groupes parviennent ainsi à intégrer les deux cultures, sans se sentir rejetés ou marginalisés.

Les conséquences de la perte de la langue familiale

Pourquoi la langue d’origine est-elle si importante ? Elle donne à chacun la liberté de choisir qui il veut devenir et ce qu’il souhaite accomplir. Elle ouvre de nombreuses portes, et aucune de celles que notre histoire nous permettrait de franchir ne nous reste fermée. Cependant, si ce choix nous est retiré parce que notre langue familiale nous a été refusée, notre identité et notre estime de soi s’en trouvent affaiblies. Il est probable que nous nous sentions dépossédés d’une partie de notre histoire. On pourrait alors avoir l’impression que la langue et la culture qui nous entourent ne sont pas les nôtres, mais remplacent quelque chose qui nous est désormais inaccessible. Cette situation nous rend plus vulnérables aux influences de groupes divers, parfois destructeurs. En particulier, chez les adolescents, qui cherchent des modèles d’identification, le besoin d’appartenance devient un terreau fertile pour de tels errements. Dans les sociétés occidentales, cela peut aboutir à un communautarisme de plus en plus prononcé. Ce phénomène, tel qu’on le voit par exemple en France, résulte du rejet, de la peur, et de l’absence de lien et de solidarité avec d’autres segments de la société, ainsi que du manque de reconnaissance et d’inclusion au sein du groupe.

Valoriser les cultures d’origine

La reconnaissance et la valorisation de la langue d’origine et de la culture parentale sont essentielles pour renforcer l’estime de soi des enfants. Cela les rend fiers de leur histoire et de leurs traditions. C’est également un moyen de créer une société où chacun a sa place et où les histoires individuelles contribuent à la construction collective. Ainsi, la langue d’origine joue un rôle fondamental : elle procure à l’enfant la sécurité culturelle et émotionnelle dont il a besoin pour développer son identité de manière harmonieuse. Une identité multiculturelle dont il pourra être fier.

Si votre enfant ne connaît pas encore votre langue maternelle, il est encore temps de remédier à cela. Je sais qu’il n’est pas facile de commencer à enseigner une langue à un enfant du jour au lendemain. C’est pourquoi je vous propose mon aide. Prenons rendez-vous pour une conversation gratuite sur ce soutien. Vous me parlerez de votre situation, et je vous expliquerai comment nous pouvons travailler ensemble pour transmettre votre langue à vos enfants. Pour prendre un RDV offert : ICI. Plus sur l’accompagnement individuel : ICI.

Source : Dalila Rezzoug, Sylvaine De Plaën, Malika Bensekhar-Bennabi i Marie Rose Moro « Bilinguisme chez les enfants de migrants, mythes et réalités », « Le français aujourd’hui 2007/3 (n° 158) », p. 58 à 65

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